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Portrait de leader

Le don de soi

Robert Pinkston
Robert Pinkston
Photo : Michel Caron

12 juin 2008

Karine Bellerive

Lorsqu'il déambule dans les couloirs du complexe sportif de l'Université, Robert Pinkston se fait sans cesse interpeller. Mais cela ne l'ennuie pas, au contraire. Amical et attentionné, l'assistant entraîneur de l'équipe masculine de soccer Vert & Or se laisse guider par une profonde conviction : «On doit être avec les autres comme on voudrait qu'ils soient avec nous.»

Originaire de l'Arkansas aux États-Unis, Robert Pinkston a grandi en Côte-d'Ivoire. Avec ses parents, il a habité sur le continent africain pendant environ 14 ans. «J'étais de ceux dont on dit qu'ils ont la peau blanche, mais le coeur noir, raconte-t-il. Souvent, les expatriés se rassemblent dans des ghettos. Ils ne se mélangent pas. Pour ma part, tous mes amis étaient des Ivoiriens.»

Cap sur le travail humanitaire

Son enfance hors du commun a sans doute contribué à échafauder la conscience sociale de Robert Pinkston. Déclinant l'abondance qui caractérise la société occidentale, il s'est tout naturellement dirigé vers le travail humanitaire. «Il y a des besoins énormes en Afrique, dit-il. Après avoir été témoin de cela, je ne pouvais pas revenir en Amérique du Nord pour gagner de l'argent, pour être riche, avoir une grosse maison, une grosse voiture. Je me serais senti extrêmement égoïste.»

Ainsi, récipiendaire d'une bourse pour jouer au soccer, il a effectué ses études universitaires aux États-Unis, puis il s'est marié et il est retourné en Afrique. «Mais j'ai attendu que ma femme en ait elle aussi le désir, dit-il. À un moment, elle voyait des choses à la télé et elle se disait que ça n'avait pas de sens que des êtres humains vivent dans des conditions aussi misérables.» Le couple est donc parti pour le Mali, avec deux jeunes enfants, en 1996.

Profondément croyant, Robert Pinkston a intégré l'International Mission Board (IMB), une organisation humanitaire chrétienne. «Au Mali, 99 % de la population est de confession musulmane, mais cela n'empêche pas notre organisme de servir la population», souligne le titulaire d'une maîtrise en théologie. En plus de construire des églises, des hôpitaux et des écoles, les membres transmettent des techniques d'agriculture et ils font de l'éducation pour contrer la propagation du sida.

Robert Pinkston a personnellement travaillé à la construction d'un centre sportif sur un terrain de huit hectares. «L'objectif premier, c'était de donner à la population un accès au sport, que ce soit le soccer et le volley-ball de plage, explique-t-il. Mais nous avons également construit une bibliothèque et sept salles de cours pour amorcer une démarche d'alphabétisation.»

Aider : de l'Afrique à l'Estrie

Quatre ans après leur arrivée au Mali, une condition médicale particulière du fils aîné a forcé Robert Pinkston et sa famille à quitter l'Afrique. «Comme on devait faire venir la médication de l'extérieur, et que nous n'étions jamais assurés de l'obtenir à temps, c'était devenu difficile pour nous de rester», confie-t-il. Les dirigeants de l'International Mission Board lui ont donc proposé de devenir l'un de leurs représentants en Amérique du Nord. Son travail consiste essentiellement à recruter des volontaires. «Je mobilise les gens dans les églises, dit-il. On me laisse un certain temps pour que je présente les projets de l'IMB.»

Malgré ce retour obligé en occident, Robert Pinkston n'a pas renoncé au travail humanitaire. Père de quatre enfants âgés de 4 à 16 ans, il privilégie pour l'instant les séjours d'au plus quelques semaines. «Ce n'est pas bon pour leur développement de bouger beaucoup», souligne-t-il. Il travaille par ailleurs actuellement à la réalisation d'un projet avec des gens de Sherbrooke, qui aura lieu en mai 2009 : «Des joueurs de soccer vont aller disputer des parties dans un village et faire de l'éducation pour contrer le sida. Il y a 90 % des Africains qui ne connaissent pas le danger que représente ce fléau.»

Mille idées, une vision

Convaincu que le sport peut servir à transmettre des valeurs, Robert Pinkston a offert ses services bénévoles à l'entraîneur de l'équipe masculine de soccer de l'Université dès son arrivée à Sherbrooke. «Mon désir de coacher est en grande partie lié au développement des valeurs des jeunes hommes. Le sport, c'est excellent, mais il faut aussi se préoccuper des autres.»

L'assistant entraîneur a donc présenté aux joueurs du Vert & Or une vidéo exposant l'action de l'organisme Invisible Children, lequel travaille à rapatrier les enfants kidnappés par une armée rebelle et transformés en petits soldats, dans le Nord de l'Ouganda. Les insurgés entrent dans les villages en pleine nuit pour enrôler de force des enfants. «Ils en tuent un devant tous les autres et ils tuent leurs parents pour les inciter à obéir», explique Robert Pinkston.

Le coup a visiblement porté puisque l'équipe a décidé de faire sa part pour sensibiliser l'ensemble de la communauté universitaire. Les joueurs ont profité de leur visibilité et ils ont arboré le logo d'Invisible Children lors des présentations d'avant-match durant la saison 2006-2007. Ils ont également recueilli des dons pour la cause des enfants soldats ougandais. «C'est moi qui leur ai donné l'idée, mais ce sont eux qui ont réalisé le projet», affirme fièrement Robert Pinkston.

En 2007-2008, celui-ci a proposé à l'équipe de s'impliquer localement. «Je voulais penser aux gens d'ici», dit-il. L'idée de la «mission manteaux d'enfants» a jailli lors d'une conversation avec des joueurs du Brésil, qui lui disaient qu'au moment de leur arrivée au Québec, ils n'étaient pas prêts pour l'hiver. «Nous avons fourni des manteaux à environ 80 enfants. Je suis reconnaissant envers l'entraîneur-chef, Steve Dubuc, et l'entraîneur adjoint, Richard Pierre-Gilles, qui s'impliquent vraiment dans tous les projets.»

Pour sa part, Robert Pinkston entend continuer à donner aux jeunes joueurs le goût de s'impliquer socialement. «Un bon leader essaie d'améliorer la vie des gens qui le suivent. C'est celui qui dit «voici ce qu'on peut faire pour rendre le contexte meilleur». Ce n'est pas une question de prestige, c'est une question de service.»

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